Trés bonne émission de nos voisins suisses  » A Bon Entendeur »

Émission  » A Bon Entendeur »

http://www.tsr.ch/emissions/abe/1367424-ondes-vous-etes-cernes.html

Le bain d’ondes

Peter Schlegel est ingénieur, diplômé de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Zürich. Depuis une dizaine d’années, son activité principale, c’est de mesurer les ondes électromagnétiques présentes dans notre environnement. Démonstration sur un toit de Genève, où Peter Schlegel détecte, grâce à un instrument de mesure, des ondes de provenance variées.

« de la téléphonie mobile, le GSM, L’UMTS, et la TNT du Salève».

Nos nombreux appareils utilisent et émettent, parfois 24 heures sur 24, des ondes de diverses formes et différentes fréquences. Premier exemple, Peter a monté son équipement au 4ème étage d’un appartement classique du centre de Genève. Son analyseur de spectre fournit une sorte de carte des ondes électromagnétiques présentes dans l’appartement, décryptée par le spécialiste : « On a ici trois émetteurs de TNT, un téléphone mobile, les GSM 900 et 1800 pour les natels, l’UMTS pour l’Internet mobile et enfin le wifi. Pour les gens électrosensibles, c’est trop. » Il y aurait donc des gens qui ne supportent pas ces ondes ?

Deuxième mesure, à la campagne cette fois. L’intensité des ondes extérieures y est beaucoup plus faible que dans l’appartement en ville, mais cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’ondes. Le four à micro-ondes, par exemple, lorsqu’il fonctionne, est tout à fait détectable par Peter : « il est blindé, mais il y a des fuites autorisées, que l’on détecte. » Le téléphone sans fil DECT est la source la plus persistante de la maison. Vu l’ancienneté du modèle, la base émet une onde en permanence, même lorsque le téléphone est sur sa base.

Une norme élevée ?

Troisième mesure dans un autre lieu de Suisse Romande, le jardin d’une maison de banlieue, à quelques mètres d’une antenne de téléphonie mobile : « on détecte du GSM et de l’UMTS, à environ 0,2 volt par mètre. C’est à nouveau une valeur assez élevée. » C’est exactement la même valeur que celle mesurée le matin même dans l’appartement en ville. Un trentième de la valeur limite maximale autorisée en Suisse pour une antenne de téléphonie mobile dans un lieu sensible de vie. Sujet clos ? Au contraire, c’est cette norme qui prête à discussion. Les clients habituels de Peter Schlegel sont des électrosensibles, qui connaissent des problèmes de santé, parfois assez graves, qu’ils attribuent aux émissions électromagnétiques. L’ingénieur considère qu’un trentième de la norme suisse, c’est une valeur assez élevée, parce que dans sa carrière, il a rencontré des gens qui commençaient à ressentir des symptômes à un millième de la norme.

Les électrosensibles

Elsbeth Schöneman vit à Zurich. Elle se plaint de problèmes de sommeil, de vertiges, de maux de tête et de tremblements : « Je ne peux plus marcher droit, j’ai des troubles du mouvement, et pire que tout, des tremblements qui me gênent beaucoup. Je ne peux plus vivre une vie normale. La journée ça va, je peux sortir et après deux-trois heures mon organisme se répare. Mais la nuit, je ne peux pas fuir et le matin je suis anéantie. » Aujourd’hui, ne pas supporter les radiations du quotidien rend la vie très compliquée. Peter Schlegel : « Les rayonnements augmentent d’année en année. Les personnes électrosensibles ne savent plus où habiter. Elles ne trouvent plus d’endroit où elles n’ont pas de troubles. » Un casse-tête que connaît bien Philippe Hug. Il vit aux Rochettes, aux confins du Jura vaudois, avec une antenne de téléphonie mobile à 2.5 kilomètres. Peter Schlegel confirme que les ondes sont ici très faibles. Philippe Hug : « J’ai du fuir deux fois, de Bullet à l’Auberson, puis de l’Auberson ici. A chaque fois, des antennes ont été ajoutées près de chez moi, c’était catastrophique. Je vais le moins possible à Yverdon et j’évite les villes comme Genève. Il me faut deux jours pour m’en remettre. J’ai des pertes d’appétit, je suis très fatigué, je peux avoir des palpitations ou des nausées, des troubles du sommeil… Une antenne à proximité, ce serait le peloton d’exécution, je ne saurais plus quoi faire. En Suisse, je ne connais pas de zone blanche, où il n’y a pas du tout d’émission. »

Electrosensibilité : un mal réel ?

Vera Keller a commencé à connaître ce type de problème il y a quatre ans à Bâle, en vivant près d’une antenne de téléphonie mobile. Elle dit avoir maintenant des troubles à cause des appareils Wifi de ses voisins. Elle ne peut plus vivre chez elle et explique ses symptômes à une médecin avertie, la conseillère nationale écologiste Yvonne Gilli : « J’ai remarqué que je n’arrivais plus du tout à dormir et que j’avais de la peine à me concentrer, même sur les choses les plus simples. Je suis très tendue en permanence. Je me sens comme parcourue par un courant, il y a tout qui pulse, mon visage palpite. Le plus dur, c’est que je n’arrive pas à l’arrêter, ça me met dans un état de stress permanent. » Yvonne Gilli voit arriver depuis des années dans son cabinet des patients qui se plaignent de ce type de symptômes. Elle a consulté d’anciennes études russes ou allemandes sur la question et a formé un réseau multidisciplinaire de médecins intéressés par le problème. Comment ces médecins établissent-ils un diagnostic ? « Nous faisons une anamnèse approfondie, nous interrogeons le patient sur la compréhension qu’il a de sa maladie, sur comment il a remarqué le rapport entre ses troubles et l’environnement, nous nous demandons s’il y a des facteurs de risques préexistants ou d’autres maladies. Nous ne pouvons pas diagnostiquer une électrosensibilité, parce que nous n’ avons pas ce diagnostic à disposition, mais nous pouvons dire au patient qu’il est plausible que l’électrosmog soit la cause principale de ses troubles. »

Des souffrances bien réelles
Selon une récente étude, près de 5% des Suisses pensent être sensibles aux ondes électromagnétiques, mais l’existence de ce trouble est encore sujette à grande controverse dans le monde scientifique. Martin Röösli, de l’Institut de Médecine sociale et préventive à Bâle, réalise des études sur la question depuis des années. « Certains disent que cela existe, d’autres le contraire. La majorité des scientifiques pensent qu’une grande partie des troubles dont on entend parler est due à d’autres causes que les rayonnements, mais beaucoup estiment que l’on ne peut pas exclure tout à fait cette possibilité et que l’on a besoin de meilleures recherches sur la question. Mais que les champs électromagnétiques en soient la cause ou non, les symptômes sont réels et les gens souffrent. » Au laboratoire d’électromagnétisme et d’acoustique de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne, on étudie, on invente, et on met au point des appareils qui utilisent les ondes électromagnétiques. A-t-on déjà rencontré ici, dans ce temple de la technologie, un électrosensible en chair et en os ? Juan Mosig : « Nous avons rencontré une ou deux personnes sur une vingtaine d’années qui venaient nous dire qu’elles sentaient ces ondes. On ne les croyait pas, on les a testées : dans les deux cas, statistiquement, leur détection des ondes était bien supérieure à la moyenne. Je pense qu’on peut donc croire les personnes qui se disent électrosensibles. On a intérêt à détecter et traiter ces personnes. »

En zone blanche

Electrosensible, Charles Cavanaugh a quitté son travail d’analyste dans une grande banque et tente d’apprendre à vivre avec ses symptômes. Il a découvert une zone blanche en Alsace, un endroit sans Electrosmog, où il aime séjourner et dormir de temps en temps. Mais sa maison, elle, est dans une banlieue, en Argovie, loin de sa zone blanche. Il travaille donc à l’adapter à ses besoins. Sa priorité : réussir à recommencer à travailler sur un ordinateur : « Mon premier objectif, c’était de retirer tous les appareils électriques du bureau, parce que je ne me sentais pas bien en travaillant dans un immeuble de bureau normal. J’ai relégué l’électricité à l’extérieur et je me suis débarrassé du wifi. » L’ordinateur et l’imprimante sont placés sous le couvert à voiture. L’image de l’ordinateur est projetée en vidéo sur un écran collé à une fenêtre de la maison en verre spécial antiradiation. Le nouveau bureau de Charles est une pièce construite en argile. « Il n’y a pas d’équipement électrique dans mon bureau. Grâce à un clavier infrarouge, tout l’équipement est à l’extérieur. » Dans un bureau normal, il souffrait de divers symptômes : « des pertes de ma mémoire à court terme, de grandes difficultés à me concentrer au travail et cela me fatiguait. Alors j’ai développé cette approche et je me sens plutôt bien. »

Pour le logement aussi, il a dû s’adapter : « J’ai passé à peu près 3 ans à tenter de me protéger des champs électromagnétiques au bureau ou à la maison. Et je me suis aperçu que je ne me sentais pas bien avec une protection parfaite, c’est-à-dire en m’entourant de métal. » Charles a alors opté pour solution radicale : il a fait construire une yourte qu’il peut, à l’occasion, déplacer dans des zones « propres ». Et les moyens de subsistance ? « Je vis sur mes réserves. Il n’y a pas d’assurance pour cela, ce n’est pas reconnu. Je ne peux pas toucher le chômage et je ne peux pas travailler dans un bureau. C’est une sacré coupure par rapport à ma vie passée, mais j’essaie de passer par-dessus et de trouver de nouvelles opportunités pour travailler dans un environnement qui est tolérable pour moi. » Même si cette nouvelle vie n’est pas toujours évidente : « Je n’ai pas de chambre permanente où je peux vraiment me sentir chez moi. Ces temps, je dors où je peux. Il m’arrive de dormir un peu dans la pièce en argile ou dans mon minibus. Quand je vais dans un environnement propre, mes symptômes disparaissent, donc il doit bien y avoir quelque chose. »

La Suède sensible

La Suède est le premier pays à avoir reconnu l’électrosensibilité et a pris des mesures pour soulager les personnes qui en sont victimes. A Stockholm, au prestigieux institut Karolinska, où l’on choisit chaque année le Prix Nobel de Médecine, le professeur Olle Johansson s’intéresse à l’électro-hypersensibilité depuis 40 ans : « Cela a commencé déjà à la fin des années 70 et au début des années 80, les premiers cas ont été rapportés aux Etats-Unis, en Norvège et ensuite en Suède et d’autres pays. Au début, c’était surtout des problèmes de peau. Nous avons commencé à étudier des échantillons de peau de gens électro-hypersensibles, à l’époque on parlait d’ « allergies électriques » ». Leif Ockerberg travaillait à l’Institut Karolinska en 1993 lorsqu’elle a commencé à se sentir mal en face de son ordinateur. D’abord des boutons, puis des plaques rouges, des problèmes de peau de plus en plus graves. Son employeur a décidé de réagir, en profitant d’un congé-maladie : « Quand je suis revenue, mon environnement de travail avait été changé, ils avaient réduit les champs électromagnétiques dans mon bureau pour que je puisse continuer à travailler. Je n’ai plus travaillé avec un ordinateur pendant 4 ans. Mon employeur a pris en charge une partie des coûts, j’en ai pris en charge une partie moi-même en achetant quelques vieux modèles de téléphones. Le bureau de l’Assurance-maladie a aussi participé. Donc ça n’a coûté cher à personne. J’ai réduit mon exposition électrique fortement et rapidement, à la maison aussi […] J’ai commencé à guérir très vite après tout cela. Depuis, je fais très attention. »

En Suède, l’électrosensibilité a été reconnu en 1995 comme une déficience fonctionnelle, un véritable handicap, même si officiellement, on ne reconnaît pas comme prouvé le rapport entre les ondes électromagnétiques et les troubles : « La seule chose que vous ayez à faire, c’est d’aller à votre Municipalité voir un ombudsman dont le travail est de prendre soin de vos besoins comme personne handicapée et dont le seul but est que vous puissiez vivre une vie à l’égal des autres. » Mais même en Suède, le chemin peut-être très long. Bengt Hokansson considère que ses premiers symptômes ont commencé en 1989. Il a réussi à travailler en ville jusqu’en 2002, malgré ses multiples problèmes de santé qui se sont aggravés au rythme du développement des communications mobiles. Il est ensuite resté 3 ans en congé-maladie, jusqu’à ce que l’Office du chômage lui trouve une solution. Il gérait un parc de 150 ordinateurs, il est aujourd’hui aide-jardinier dans le château-musée de Tyreso, non loin de Stockholm : « C’est beaucoup mieux qu’en ville et c’est à l’extérieur. Il n’y a pratiquement pas d’ordinateur, peu d’émission. Je peux sentir leur absence, mon corps se relaxe sans radiation. » Prochaine priorité pour Bengt, finir le blindage de son appartement. La ville de Stockholm lui a payé une partie du matériel: peinture antiradiation, feuilles d’aluminium et surtout les tissus isolants spéciaux qui lui servent de rideaux et de baldaquin dans la chambre à coucher. Nécessaire, vu la sensibilité de Bengt, qui ressent les émissions de notre matériel de tournage : « Je sens le transmetteur pour le son que j’ai dans ma poche. Il provoque un picotement sur ma langue. C’est la partie de mon corps qui réagit en premier. »

Entretien avec Luc Mariot, journaliste, auteur de l’enquête


Commentaire

commentaire

Powered by Facebook Comments

Ce contenu a été publié dans Reportage ondes éléctromagnétiques, avec comme mot(s)-clé(s) , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.